Souverainisme et laïcité – Revue de Presse : 27 mars 2022
Souverainisme
Depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, une question revient en boucle dans l’actualité : celle de l’unité européenne et de son indépendance énergétique, sécuritaire et agroalimentaire. Si la crise Ukrainienne aura en effet permis de remettre au cœur du débat l’épineuse question de la souveraineté européenne tant défendue par le Président Macron, François-Xavier Bellamy quant à lui réfute cette idée, estimant pour Le Monde que la souveraineté ne se divise pas. « Il n’y a pas un peuple européen, on voudrait inventer une souveraineté sans un peuple », explique-t-il.
Ce n’est pourtant pas l’avis de Céline Spector qui, face au repli nationaliste est une des rares voix à prôner la constitution d’une « République fédérative européenne ». Dans un entretien accordé à la revue Esprit, elle revient longuement sur quelques-unes des réflexions présentées dans son nouveau livre No Démos ? Souveraineté et démocratie à l’épreuve de l’Europe. Céline Spector y plaide pour une refonte de l’imaginaire collectif qu’elle pense encore trop imprégné d’une vision simplifiée de la souveraineté populaire comme elle fut conçue au moment de la Révolution française. En exhumant une autre tradition de pensée, celle de Montesquieu et des fédéralistes Américains, elle revendique une conception de la souveraineté divisée entre le niveau local et fédéral qui, selon elle, n’entraverait pas le principe de souveraineté populaire.
Toujours pour la revue Esprit, Emile Chabal consacre un article à l’avenir des relations franco-britanniques après le triomphe de l’utopie souverainiste outre-Manche. Il déplore le peu d’intérêt que suscitent les élections françaises dans l’opinion publique britannique malgré leur importance pour l’avenir du Royaume-Uni. L’élection française pourrait en effet rebattre les cartes entre les partisans d’un populisme interventionniste et ceux d’une économie ouverte suivant un modèle néolibéral classique qui a longtemps constitué l’ADN du Royaume-Uni.
La question de la supériorité relative du libre-échange et du protectionnisme est également l’objet d’un essai de Maxence Brischoux, dont un extrait est publié ce mois-ci dans la revue Commentaire. L’auteur nous rappelle que le commerce était au cœur du projet des Modernes, et qu’il représentait un substitut politique à la vertu des Anciens. L’oublier serait aussi délaisser les nombreux bénéfices qui découlent du commerce, bénéfices que l’auteur énumère en s’appuyant sur L’Esprit des lois de Montesquieu. En générant une dépendance mutuelle, le commerce permet d’assurer la paix entre les nations et adoucit les mœurs en faisant prendre conscience aux peuples de la relativité des cultures, détruisant ainsi les préjugés. Reste à savoir s’il est en effet possible d’envisager une communauté politique sans préjugé, c’est-à-dire sans coutume, sans mœurs et sans opinion particulière, comme le souhaitaient les Modernes.
Laïcité
C’est bien là un des enjeux du nouvel ouvrage de Lucien Jaume, L’Eternel défi. L’Etat et les religions en France des origines à nos jours, qui s’interroge sur l’avenir de la laïcité en France dans le contexte de l’arrivée de l’Islam sur le territoire national. Françoise Mélonio en propose une recension pour Commentaire, dans laquelle elle souligne l’importance de ce livre pour permettre un renouvellement de la conception de la laïcité en repensant l’affrontement historique en France entre les religions et l’Etat. Lucien Jaume fait notamment ressortir toute la divergence avec les conceptions anglo-américaines, en montrant comment la laïcité s’est construite selon une « matrice unitaire » condamnant toutes divergences et tout pluralisme.
Sans surprise, la laïcité est au cœur des programmes des candidats à la présidentielle comme nous le rappelle La Croix qui se propose d’en décortiquer les principales propositions. Alors qu’Emmanuel Macron a opéré un changement de cap en durcissant sa politique durant son mandat, Eric Zemmour reste bien déterminé à bannir le voile et la kippa dans l’espace publique, malgré les accusations du camp Pécresse qui dénonce l’impraticabilité d’une telle mesure. A deux semaines seulement du premier tour des élections présidentielles, il semble néanmoins qu’Emmanuel Macron soit assuré de l’emporter, avec le recul dans les sondages d’Eric Zemmour et de Valérie Pécresse, laissant Marine Le Pen seule à même de concurrencer un Président-candidat donné grand favori. Voyant ses intentions de vote bondir de 8,5 points dans les sondages, Emmanuel Macron bénéficierait d’un « effet Malouines » selon The Guardian : comme Margaret Thatcher en 1982 qui avait profité de la guerre menée dans l’Atlantique Sud, entraînant sa réélection, Emmanuel Macron se place en chef de Guerre seul à même de servir d’intermédiaire entre l’Europe et la Russie.
Photo Credit: Eliens via Creative Commons/Pixabay.