Des formes, et de la politique
Justine Lacroix, Jean-Yves Pranchère et Anton Jäger ont eu l’amabilité de partager quelques-unes de leurs réflexions critiques à propos de mon livre Slow Démocratie, paru à l’automne 2019.
Le principal nœud de la critique de Lacroix et Pranchère tient à la présentation que je fais de la nation comme une « forme politique » difficilement dépassable. Ils soulèvent des objections importantes, efficaces, parfois redoutables, sur la notion même de « forme politique », et il me paraît important de leur répondre, notamment pour essayer d’enrichir un débat sur les formes politiques qui relève de l’interrogation philosophique et historique plus que de l’affirmation péremptoire.
Quant à Anton Jäger, s’il convient que la « mondialisation » a bel et bien dépossédé les États-nations d’une partie de leurs prérogatives, en particulier de cette armature redistributive que l’on appelle « État social », il me reproche de ne pas suffisamment avoir aperçu combien la « mondialisation », loin d’être un phénomène spontané, a été façonnée et pensée par des classes dirigeantes bien enracinées dans des États-nations, ces derniers constituant une armature juridique et institutionnelle essentielle à la réussite de la mondialisation économique.
Qu’il me soit donc ici permis d’expliquer :
- pourquoi je pense que les nations constituent bel et bien une forme politique difficile à dépasser ;
- en quoi l’État-nation que j’appelle de mes vœux (ou plutôt : que je cherche à réhabiliter) diffère de l’« État de concurrence » en effet parfaitement inséré dans le jeu de la mondialisation.
La forme politique, au carrefour de l’armature institutionnelle et de la morphologie sociale
Qu’est-ce qu’une forme ? Si tant est que l’on ne définisse pas la forme comme un principe transcendant résidant dans le ciel des idées, c’est tout simplement ce qui organise la matière, un principe de liaison du divers. Quelle est la matière du politique, c’est-à-dire de la vie en commun ? Les humains en tant qu’ils sont des « animaux politiques » ou plus précisément ce que Hobbes appelle la multitudo (ou disunited multitude prépolitique)[1]. Une forme politique doit donc, à première vue, s’entendre comme un principe de liaison de la multitude sous le signe de la vie en commun. La « vie commune » ou « vie politique » est une composante essentielle de l’agir humain, au même titre que ces autres ordres finalisés de l’agir humain que sont par exemple la vie éthique (qui s’occupe du bonheur individuel), la vie religieuse (qui a à voir avec la question du salut), la vie sociale (qui a pour fin la solidarité entre les hommes), ou encore la vie économique (qui vise la prospérité), même si ce dernier ordre est un instrument au service des autres ordres finalisés [2].
A l’aune de la théorie des « ordres finalisés » de l’agir humain, une forme politique serait donc ce principe de liaison qui donne à la multitudo humaine la consistance d’une société politique, c’est-à-dire l’obéissance à une direction politique commune, chargée d’assurer la paix civile, entendue à la fois comme prémunition contre la stasis ou la guerre civile (forme extrême de la « déliaison » politique) et l’agression extérieure (invasion, guerre étrangère, terrorisme…). Bien sûr, la santé publique fait partie de la paix civile au même titre que la sûreté, et ce n’est pas un hasard si le frontispice de l’édition de 1651 du Leviathan [3] de Hobbes figure, sur une grande place déserte, des soldats et des médecins, reconnaissables à leurs masques à bec contre la peste. Les soldats, garants de la sûreté publique, et les médecins, garants de la santé publique, sont en effet les gardiens de la cité, ceux qui protègent la « paix civile ». Ce n’est pas non plus un hasard si les guerres et les épidémies ont été, pour qui étudie l’histoire de la formation des États, de formidables leviers et de puissants accélérateurs de la consolidation du « régalien ».
De ce point de vue, ni la « République » ni le « Despotisme » qu’évoquent tour à tour Lacroix et Pranchère ne sont en rigueur des formes politiques. Ce sont plutôt des modalités de gouvernement ou régimes politiques. Une même forme politique peut abriter plusieurs régimes politiques, du plus désirable au plus infâme. Aristote, dans le Politique, ne distingue-t-il pas, à partir d’une même forme politique, la cité, différents régimes ? Deux critères servent à différencier les régimes : celui du commandement (qui gouverne ?) et celui des bénéficiaires de ce commandement (pour qui gouverne-t-on ?). Il y a des monarchies (gouvernement d’un seul dans l’intérêt commun) et des tyrannies (gouvernement d’un seul dans son propre intérêt) ; des aristocraties (gouvernement des meilleurs dans l’intérêt commun) et des oligarchies (gouvernement de quelques-uns dans leur intérêt propre) ; des démocraties (gouvernement des citoyens dans l’intérêt commun) et des ochlocraties (gouvernement de la « populace »), et tous ces modes de gouvernement (en grec, le terme politeia signifie aussi bien « mode de gouvernement », « constitution » que « régime politique »…) se déploient en une même forme de vie commune, celle de la cité qui contient les hommes rassemblés dans l’obéissance aux mêmes lois et aux mêmes institutions, dans les limites étroites d’une ville, parfois même d’un village (Sparte n’était qu’une agrégation de villages…), et de son arrière-pays.
La cité ne se défait que quand elle est en proie au poison de la stasis ou quand elle est ravagée et dispersée par une invasion extérieure. Il arrive souvent que ces deux formes de déliaison politique, l’une intérieure et l’autre extérieure, arrivent en même temps. Ainsi de la guerre du Péloponnèse, plus grand ébranlement de l’humanité (mégistè kinèsis) selon Thucydide, précisément parce qu’elle a éveillé dans les différentes cités le poison de la guerre civile (celles-ci se divisant entre factions pro-Athènes et factions pro-Sparte) ainsi que l’embrasement de la guerre entre les cités (polémos). La paix civile n’étant plus garantie, la finalité même du politique s’effondre. Nous n’avons donc pas élucidé avec Aristote ce que peut être une forme politique puisque le Stagirite n’en avait qu’une seule où porter ses yeux. Il n’avait pas le recul de la sociologie historique à la Weber, à la Elias, ou à la Baechler qui permet de parcourir l’histoire humaine et d’identifier les différentes formes de vie commune dans lesquelles s’est exprimée la compétence proprement politique de l’humanité.
S’il n’existe pas de forme « toute faite » dans le ciel des idées, c’est bien que les formes politiques sont le résultat d’une évolution historique et sociale. Une forme politique doit donc s’entendre comme un certain principe de liaison de la multitude humaine afin de garantir la paix civile dans un espace-temps donné. C’est ici que l’économie politique et la sociologie historique viennent non seulement renforcer, mais relever, une philosophie idéaliste qui apparaît un peu impuissante à prendre en charge l’évolution historique des formes politiques.
Évolution dans l’espace d’abord : une forme politique est nécessairement bornée, limitée, démarquée d’autres entités qui lui sont par définition « étrangères ». La cité athénienne regroupe par exemple la ville d’Athènes et le port du Pirée (asty), la cote (paralia) et la zone rurale (mésogée). Si les frontières sont aussi proches c’est parce que le niveau d’intégration sociale, pour parler le langage de Mauss [4], est élevé, uniquement pour ceux qui ont la chance de jouir des droits politiques. Les autres, femmes, esclaves, métèques, sont exclus de l’ordre politique et donc de la vie commune, ils sont cantonnés à des ordres éthiques, religieux, sociaux ou économiques. Pour compliquer l’affaire, les cités se déploient dans un espace éthique, culturel-religieux et parfois même social plus grand qu’elles, celui de l’Hellade. La guerre du Péloponnèse fait bien ressortir cette ambiguïté : au final ce sont bien des Grecs qui massacrent d’autres Grecs puisque Thucydide parle d’un ébranlement commun à l’ensemble du « monde grec ». Athéniens comme Spartiates participent en somme à un même ensemble civilisationnel, ce que les historiens appelleront bien plus tard civilisation hellénique. C’est bien cela qui désespère Thucydide, et qui relativise l’apparente imperméabilité de stasis et de polèmos : et si la guerre entre cités grecques n’était que la réverbération des staseis multiples qui se déroulent dans la cité, une stasis géante à l’échelle de la civilisation hellénique [5] ? Nous retrouverons cette même interrogation avec la Première guerre mondiale, qui n’est peut-être pas tant une guerre extérieure entre nations qu’une guerre civile européenne, soit l’autodestruction de la civilisation européenne, selon le mot de Valéry [6] ?
L’empire est en quelque sorte l’exact contraire de la cité : il a des frontières lointaines, et il est dans sa logique propre de les pousser le plus loin possible, dans la dynamique de la conquête militaire. Ainsi d’Alexandre le Grand qui conduisit ses troupes jusqu’aux rives de l’Hyphase, et encore le refus d’aller plus loin était-il dû à la crainte superstitieuse des soldats macédoniens qui pensaient avoir touché la « fin du monde », plus qu’à un revers militaire. L’empire romain eut plus modestement pour terrain de jeu la méditerranée, mare internum. L’empire mongol eut pour centre de gravité l’Asie centrale et s’étendit à son apogée de la Méditerranée à l’Indochine. L’empire moghol, à dominante islamique, avait pour espace le sous-continent indien, qui était un « monde en soi ».
Contrairement à la cité, l’empire comme forme politique s’identifie souvent à un espace économique, celui de l’économie-monde thématisée par Fernand Braudel [7]. C’est ce qui plaisait aux penseurs néo-libéraux dont les plus influents, von Mises et son disciple Hayek, avaient grandi alors que brûlaient les derniers feux de l’empire austro-hongrois [8]. L’adéquation entre forme-empire et espace économique n’est jamais parfaite, même si l’empire essaie de la pousser à son maximum. A l’époque romaine, l’économie-monde dépassait le périmètre politique de l’empire romain : les caravanes et les galères franchissaient allègrement les limes de la romanité pour s’enfoncer dans la barbarie, dans les sables du Sahara ou les steppes d’Asie… L’empire chinois en revanche fut un exemple assez parfait d’adéquation de forme politique et d’aire économique, un « monde en soi ». Le corollaire de cette extension géographique et économique indéfinie est une perte d’intensité qualitative des relations sociales. Dans l’empire coexistent des peuplades hétérogènes qui ne font pas toujours bon ménage : qui trop embrasse mal étreint !
En d’autres termes, plusieurs « homogénéités sociales » peuvent coexister dans cette même forme politique. Ces « homogénéités sociales » ne tiennent ensemble que parce qu’elles sont protégées des agressions par le glaive de l’Empereur ou de son mandataire. L’empire tient surtout par l’épée, c’est-à-dire sa capacité à se faire obéir de peuplades diverses et remuantes en les protégeant des invasions étrangères. C’est pourquoi le régime politique le plus fréquemment rencontré dans les empires est une « hiérocratie », selon le mot de Jean Baechler [9], c’est-à-dire un pouvoir qui repose avant tout sur la contrainte. Pour le dire en termes plus économiques : l’empereur prend en charge les coûts économiques de la sûreté des peuplades en échange de leur obéissance à son autorité, souvent exercée par un mandataire, qu’il soit un chef militaire ou un satrape local, mais il laisse aux différents groupes qui le composent une relative liberté en matière religieuse, culturelle et même sociale. D’où l’existence d’empires arlequin, véritables mosaïques sociales et parfois mêmes civilisationnelles, comme le fut le sous-continent indien où s’opposèrent des siècles durant l’Islam, le Bouddhisme et l’Hindouisme, ou même l’empire romain situé au carrefour de trois plaques civilisationnelles différentes (européenne, asiatique et africaine).
La cité au contraire exprime une socialité élevée au point que Mauss parlait des cités comme des petites nations, opposant le couple polis-nation au diptyque tribu-empire qu’il voyait comme des formes politiques plus faiblement socialisées. La polis comme la nation sont des formes politiques plus désirables que les autres car l’armature institutionnelle et la morphologie sociale y sont tendanciellement indifférenciées [10]. D’un côté l’armature institutionnelle désigne l’existence d’une entité capable d’assurer la paix par la justice, de l’autre la morphologie sociale désigne un certain principe de cohérence de la société. Une forme politique, entendue comme forme de vie commune, est d’autant plus aboutie que l’armature institutionnelle et la morphologie sociale, pourtant disjointes analytiquement, tendent à s’indistinguer dans la réalité historique. Cette indistinction ouvre du jeu pour le seul régime véritablement désirable car conforme à la liberté humaine : la démocratie. La démocratie suppose en effet, au moins théoriquement, une adéquation entre gouvernants et gouvernés. La démocratie est par exemple inconcevable dans un empire parce que l’armature institutionnelle, qui repose tant sur la force militaire que le soutien des élites religieuses et commerçantes, échappe complètement au peuple, qui lui-même est dispersé en de multiples homogénéités sociales qui peuvent prendre différentes formes. Cette possibilité démocratique, ouverte aux seules cités et nations, ne s’actualise pas nécessairement dans l’histoire : beaucoup de cités d’hier et de nations d’aujourd’hui ne sont pas démocratiques comme le rappellent fort justement Lacroix et Pranchère. Mais l’important est qu’elle existe, ce qui n’est pas le cas dans l’empire qui présuppose l’hétéronomie des gouvernants par rapport aux gouvernés. L’empire en effet a gagné sur la cité en extension géographique ce qu’il a perdu en intensité qualitative et en horizontalité des relations sociales.
Bien sûr, les formes politiques ne se réduisent pas à des données spatiales. Elles sont plutôt le produit historique d’une interaction entre le temps long de l’espace (car, selon Braudel, l’espace n’est jamais que de la longue durée…) et le temps court de l’histoire. Il est plus prudent de parler de mécanismes de formation des cités, des chefferies, des royaumes, des empires ou encore des nations que d’eidos, au sens où ces réalités ont une sociogenèse et qu’elles peuvent se déformer, involuer voire tout bonnement disparaître.
Pourquoi des nations ?
Jusqu’ici nous avons parlé de tribus, de cités, de chefferies, de royaumes, d’empires… Mais pourquoi des nations ? La sociogenèse des nations est un exercice compliqué. C’est une invention européenne, presque contingente, fruit d’un contexte bien particulier à la fin du Moyen-Âge dans lequel il existait une économie-monde dans l’axe euro-méditerranéen, mais plusieurs centralités concurrentes. Il y avait trop de pôles de force concurrents pour qu’un seul empire écrasât tout de son poids. La papauté avait échoué depuis longtemps à réunifier l’Europe autrement que spirituellement, de même que les monarques Charles Quint et Philippe II qui s’étaient heurtés à l’Angleterre et à la France dans le vieux rêve d’unification politico-religieuse de l’Europe qui remonte à Charlemagne. Les nations se sont donc constituées autour de ces différentes centralités dans une situation d’émulation et de concurrence.
En réalité les nations sont une forme politique qui arrive à conjuguer sur un même territoire plusieurs types de cohérences : une cohérence sociale (la nation est une véritable morphologie sociale) ; une cohérence politique (une armature institutionnelle d’abord monarchique, ensuite démocratique) ; une cohérence économique ; et last but not least une cohérence culturelle. Ces quatre cohérences se constituées chacune à des rythmes différents et la forme nation n’a jamais été donnée « une fois pour toutes ». Elle est au contraire le produit d’une longue sédimentation précipitée par l’opérateur de la nation dont nous avons jusqu’ici trop peu parlé : l’État. Entre la nation et l’État il existe une relation de principal à agent. Au fil de plusieurs événements et crises fondatrices de la modernité, l’État « agent » de la nation s’est peu à peu consolidé sous différents visages, qui ont chacun donné une nouvelle dimension à la forme nation, de manière contingente et historique à chaque fois :
- les guerres de religion qui déchirent l’Europe au XVIe siècle et font ressurgir le spectre de la stasis rendent nécessaire l’érection d’un État de sûreté qui rétablit la paix civile en confisquant le monopole de la vérité religieuse : Silete theologi ! aimait à rappeler Hobbes dans son Leviathan, en citant Alberico Gentili;
- l’expansion du capitalisme et la révolution industrielle dès le XVIIIe siècle en Angleterre rendent nécessaire le développement d’un véritable État économique qui structure un marché national (abolition des taxes intérieures comme l’octroi, construction d’infrastructures de transport pour ouvrir des débouchés aux industries naissantes…) ;
- les révolutions politiques et éthiques de nature libérale (Glorieuse Révolution, guerre d’indépendance américaine et Révolution française…) favorisent l’émergence de l’État représentatif démocratisé (l’État représentatif est d’abord le résultat d’une lutte entre la monarchie et l’aristocratie en Angleterre, puis entre la bourgeoisie ascendante et l’aristocratie en France, l’autogouvernement du peuple n’arrivant que bien après…). Ce basculement est décisif puisque la forme nation la plus aboutie est à l’évidence la nation démocratisée qui repose sur une double individuation (celle de la société nationale et celle du citoyen-électeur) ;
- le développement de la question sociale au XIXe siècle et le problème de la misère ouvrière rendent enfin nécessaire le développement d’un État social pour mieux partager les gains de la croissance et mettre fin à la question ouvrière, à partir de la fin du XIXe siècle.
Ainsi le lent mécanisme de formation des nations démocratisées peut-il s’interpréter comme le patient assemblage dans un même territoire ou sous une loi commune des principaux ordres de l’agir humain : religieux (avec l’extinction des guerres de religion et la monopolisation de la parole religieuse, qui précède sa neutralisation laïque…), économique (avec la structuration d’un marché et d’une industrie à l’échelle nationale), éthique (avec la sanctuarisation des libertés individuelles dans les démocraties libérales) et enfin social (avec l’objectivation de la solidarité dans les États-providence).
Vues comme cela, les nations apparaissent ainsi comme des assemblages politiques difficiles à dépasser, puisqu’elles ont réussi une synthèse historique et spatiale des différents ordres de l’agir que la cité elle-même n’avait pas réussi en raison de sa trop petite taille. Si le politique et le social étaient bien indifférenciés dans le cités grecques, elles appartenaient néanmoins à un ensemble culturel plus vaste, celui de la civilisation hellénique.
Bien sûr cette synthèse n’est jamais parfaite et est toujours précaire. Surtout, elle présente un risque majeur : celui de l’annexion par le politique de tous les autres ordres de l’agir humain qui sont désormais « à portée de main ». Les totalitarismes du XXe siècle (à commencer par le fascisme italien ou le nazisme allemand) en furent le tragique exemple : lorsque l’État-nation n’est plus concurrencé par d’autres ordres extérieurs à lui-même et qu’il tient pour ainsi dire entre ses mains la vie économique, la vie religieuse-culturelle ou encore la vie sociale des peuples, il peut sévèrement déraper. D’où l’importance de préserver la relative autonomie des ordres de l’agir. L’État de droit, loin de garantir seulement les libertés individuelles (ce serait déjà beaucoup…) remplit selon moi cette fonction fondamentale : il garantit à chaque ordre de la vie sociale sa pleine autonomie de fonctionnement en le protégeant des « interférences » du politique. Les religions, les acteurs de la « société civile », les agents économiques… sont assurés de pouvoir agir librement dans un cadre sûr et stable.
Si les nations démocratisées sont la forme de vie commune qui correspond selon Mauss au stade ultime du développement historique, c’est précisément parce qu’elles sont un bon équilibre spatio-temporel entre la qualité du lien social de la cité et la grandeur économique ou civilisationnelle de l’empire : à la fois la force d’un grand marché intérieur, une culture commune (qui aujourd’hui n’a plus grand-chose à voir avec la matrice religieuse mais plus avec une langue et une histoire), une cohésion sociale objectivée par des instruments comme l’État social, le tout en un régime unique d’amitié civique, celui de la démocratie libérale et représentative.
La qualité du lien social suppose en effet un minimum d’homogénéité sociale qui n’existe que dans la cité ou la nation. D’ailleurs l’État-providence va souvent décroissant en fonction de la taille du territoire ou de l’hétérogénéité de la population [11]. L’économie empirique a montré que l’État social n’avait jamais prospéré aux États-Unis en raison des trop grands clivages socio-économiques entre les différentes communautés ethniques qui peuplent cet immense pays, réalité que l’actualité récente vient nous rappeler douloureusement, le revenu médian d’un Afro-Américain étant inférieur de 40 % au revenu médian d’un blanc. Les ouvriers blancs du Midwest n’ont jamais manifesté d’enthousiasme pour une assurance publique retraite ou maladie en raison de la trop grande segmentation de la société américaine. C’est d’abord dans les nations européennes que l’État social s’est enraciné, modelé à chaque fois en fonction de traits culturels particuliers. En Angleterre où la Sécurité sociale cogérée par les partenaires sociaux est apparue comme le résultat de la défiance de la société vis-à-vis de l’État central monarchique. En Allemagne où le droit du travail a été conçu comme un instrument protecteur de l’imposante classe manufacturière qu’il fallait rallier au dessein bismarckien de l’unification nationale. En France où les services publics ont constitué une des pierres angulaires de la consolidation de la nation républicaine [12]. Les régimes de retraite spécifiques aux danseurs de l’opéra de Paris ou aux marins-pêcheurs ne sont pas des archaïsmes mais le résultat de luttes, de rêves, de spécificités culturelles profondément enracinées qui ne peuvent pas être balayés d’un trait de plume par une quelconque élan réformateur.
On connaît les deux définitions concurrentes de la nation, exemplifiées par la querelle qui opposa Théodore Mommsen et Numa-Denys Fustel de Coulanges [13]. Pour celui-là la nation était avant tout ethnolinguistique : il existait bien une « souche allemande », définie par un héritage, une langue et une culture et cette souche suffisait à maintenir l’Alsace et la Moselle dans le giron allemand. En somme il rabattait la forme de vie politique sur une forme de vie culturelle. Pour Fustel de Coulanges au contraire la nation était, dans la droite ligne de Renan, un plébiscite de tous les jours, la commune adhésion à un projet politique partagé. En réalité ces deux conceptions, rétrospective et prospective, ne me convainquent guère même si celle-ci a davantage ma sympathie que celle-là. Elles sont toutes deux frappées au coin de l’idéologie.
Je préfère voir dans les « nations démocratiques » l’adéquation patiemment construite, rarement parfaite, toujours précaire, entre la vie culturelle, la vie économique, la vie sociale et la vie démocratique dans une même forme de vie commune. En cela, la nation est davantage qu’un simple « régime politique », davantage qu’un gouvernement représentatif démocratisé, appellation qui ne sert qu’à désigner un mode d’exercice du pouvoir, pas un agir commun.
Il n’existe pas de « nations-empires » contrairement à ce qu’affirment Lacroix et Pranchère ; ce serait une contradiction dans les termes. Il existe en revanche des nations impérialistes comme il y a des nations nationalistes, et le premier aiguillon de l’impérialisme est économique : l’excès d’épargne et la recherche de nouveaux débouchés pour la classe industrielle naissante, ou un positionnement extraverti au centre d’une économie-monde qui rend nécessaire de sécuriser des voies d’approvisionnement par la subordination militaire de sociétés exogènes. Ces deux configurations se retrouvèrent dans l’Angleterre de Pitt et de Palmerston. La nation impérialiste s’octroie des possessions coloniales et pratique souvent à l’intérieur de son empire tout ce qu’elle s’interdit en interne. C’est tout le paradoxe qu’avait déjà aperçu Carl Schmitt dont le parcours politique et intellectuel ne prédisposait pourtant pas à un anti-colonialisme forcené : les guerres coloniales sont infâmes précisément parce qu’elles sont à rebours du jus publicum europaeum et des mœurs policées fixées entre nations du continent européen pendant trois siècles, entre deux guerres de Trente Ans (celle de 1618-1648 et celle de 1914-1945). Les règles civilisées à commencer par le droit de la guerre qui prévalaient en Europe étaient abandonnées dans les terres « vierges » des colonies où les colonisateurs pratiquaient la sauvagerie avec l’alibi de la civilisation.
L’avènement d’une nouvelle économie-monde « globale » au tournant des années 1970, que l’on pourrait appeler plus exactement « américano-sino-globalisation », n’a pas entraîné la disparition des nations mais plutôt leur reconfiguration autour d’un pôle étatique chargé de garantir l’ordre concurrentiel ou competitive order tel que défini par Friedman dans un texte de 1951 [14]. C’est ici que je rejoins parfaitement Anton Jäger : les États et leurs classes dirigeantes, loin d’avoir été « effacés » par la mondialisation, apparaissent comme ses principaux instigateurs et protagonistes. L’« État de concurrence » est pour ainsi dire la nouvelle figure de cette évolution historique de l’État.
Cependant, la contradiction que pense identifier Jäger, selon laquelle l’État ne pourrait pas être à la fois cet acteur puissant qui façonne les règles de la mondialisation et cette « bête affamée » autour de laquelle rôdent les prédateurs économiques… n’en est pas vraiment une. Comme l’avait bien vu Foucault [15], le néolibéralisme ne cherche pas à éradiquer l’État. Au contraire, il le renforce dans sa fonction réglementaire, puisque l’État est investi de la mission d’assurer la bonne marche de l’ordre concurrentiel (competitive order). On trouve la formulation la plus claire de cette nouvelle mission dans l’article de Friedman, « Neo-liberalism and its prospects », publié en 1951. Dans cet article, Friedman oppose, non seulement, le néo-libéralisme au socialisme, mais aussi, au libéralisme classique. Il soutient que, si le libéralisme a réussi à penser l’individu – à travers le mécanisme de la main invisible d’Adam Smith – il a échoué à penser l’État. Il a échoué à assigner un rôle positif à la puissance publique. A l’inverse, poursuit-il, le socialisme a réussi à penser l’État. Mais il l’a mal pensé, car ce n’est pas une bonne idée de le concevoir comme un agent économique intervenant dans tous les secteurs de la vie de la nation. On le voit, l’ambition conceptuelle du néo-libéralisme, au-delà de la théorie économique qui le sous-tend, est donc de repositionner l’État dans une fonction de gardien de l’ordre concurrentiel. Dieu sait ce qu’il faut de force (de law enforcement) pour réglementer, même quand cette réglementation est en fait une déréglementation. L’instauration de la libre circulation transfrontalière des marchandises, des capitaux, des services… suppose un gigantesque travail normatif, d’imposants organes administratifs, un réseau d’experts et de technocrates, des cours de justice puissantes et respectées… En aucun cas l’État ne s’affaiblit.
En revanche, le même néolibéralisme qui renforce « l’État de concurrence », cherche à désactiver le lien organique qui unit l’État à la nation démocratique dans la tradition révolutionnaire française ou américaine. L’État s’autonomise en quelque sorte : l’agent-État s’émancipe du principal-nation. L’État de concurrence devient davantage l’agent des marchés internationaux que celui de la nation démocratique, comme l’a vu avec pénétration Wolfgang Streeck, lorsqu’il théorise la notion de « peuple de marché » à propos de l’État débiteur [16]. Dès lors le paradoxe pointé par Jäger, d’un État « façonneur de mondialisation » qui aurait organisé sa propre impuissance, ne tient plus. L’État et sa classe dirigeante sont bel et bien les façonneurs de la mondialisation, en quoi je rejoins Anton Jäger tout autant que Quinn Slobodian dans son magistral Globalists, mais cette classe dirigeante loin de détruire son outil s’est plutôt efforcée de relâcher, sinon désactiver, le lien d’agence entre l’État et la nation démocratique, car celui-ci impliquait un gigantesque effort de redistribution que les néolibéraux voient comme une hérésie, une violation de la liberté et une spoliation de la propriété. Comme Hayek l’avait aperçu, la nation démocratique conduit inévitablement à une augmentation de la protection sociale et des interventions de l’économie dans l’État.
Les néolibéraux n’avaient rien contre les nations mais elles leur apparaissent comme de simples homogénéités culturelles et sociales dont la fonction politique d’auto-législation démocratique et de solidarité sociale organique doit être relativisée ou dissoute dans la société des individus, car l’ordre économique, lui, a bel et bien vocation à être mondialisé. Bref, il s’agit bien de dénouer le lien organique entre une nation démocratique et son État.
L’Union européenne est-elle une forme politique ?
L’Union européenne, quant à elle, n’est pas une forme politique, même new age. Certes, elle présente quelques caractéristiques d’État fédéral, à commencer par la toute-puissante Banque centrale européenne (BCE) qui se renforce inexorablement crise après crise. Celle-ci détient le privilège régalien de battre monnaie, et les crises-monde des dettes souveraines ou du coronavirus ont plutôt renforcé sa tâche herculéenne qui semble être, comme le titan Atlas [17], de tenir le destin de l’Europe sur ses épaules en achetant massivement aux États des titres de dette souveraine. On n’a pas suffisamment réfléchi au fait que si les États sont prêteurs en dernier ressort de l’économie, alors la BCE est prêteuse en dernier ressort aux prêteurs en dernier ressort… Hélas, ces commencements d’État n’ont jamais trouvé leur forme de vie commune, et l’Union européenne reste pour l’heure un agencement institutionnel baroque mélangeant coopération intergouvernementale (en quoi je suis parfaitement d’accord avec les remarques de Jäger) et super-agence de régulation productrice de normes doublée d’une petite agence de développement territorial et sectoriel.
Cependant, et c’est plutôt un point de désaccord avec Jäger, il me semble naïf de penser que le pouvoir propre de l’Union européenne s’arrête aux quelques 30 000 fonctionnaires de la Commission (la moitié des fonctionnaires de la ville de Paris en effet). Par la force de ses traités, par les jurisprudences de la CJUE, par les interventions de la BCE, l’Union européenne a acquis une importance absolument considérable dans la vie des nations. Apparaît cependant un énorme problème : à mesure que s’accroît la fédéralisation de fait de certaines de ses institutions, à commencer par l’action surplombante de la BCE, le sentiment de la « vie commune européenne » reflue, comme l’attestent ces sondages qui donnent semaine après semaine l’euroscepticisme à son plus haut niveau historique, notamment en Europe du Sud. Jamais l’assemblage institutionnel et juridique européen n’a semblé aussi déphasé de la vie culturelle, sociale et même économique des nations européennes, qui n’ont pas hésité à renoncer en quelques semaines à toutes les règles fondamentales de l’espace économique pour sauver leur économie, dans une asymétrie poignante entre le Nord, à forte capacité budgétaire, et le Sud, très endetté… Plus les institutions convergent, plus les sociétés, les économies et les cultures divergent et les crises sont à chaque fois une machine à accélérer la divergence. La décision récente de la cour de Karlsruhe vis-à-vis de la BCE constitue un exemple supplémentaire et éloquent de ce double bind : ou bien l’Europe est une forme de vie commune auquel cas il faut acter la préséance des institutions et la primauté du droit européens sur les droits nationaux, y compris les normes constitutionnelles ; ou bien elle n’en est pas une et dans ce cas cet assemblage institutionnel n’est qu’une coopération d’États améliorée, dans le cadre classique d’un droit international amélioré. La cour de Karlsruhe a brutalement rejeté la première option en considérant qu’elle était compétente pour juger de la politique monétaire de la BCE en tant que celle-ci n’était que la mandataire des États-nations démocratiques qui composent l’union monétaire.
On pourra le dire dans toutes les langues que l’on veut, cet édifice institutionnel n’a jamais produit une forme d’agir en commun capable de garantir par elle-même la paix civile, à l’intérieur comme à l’extérieur, et encore moins d’accoucher d’une morphologie sociale de type transnational. L’Union européenne est en quelque sorte une armature institutionnelle inachevée qui n’a pas encore trouvé une morphologie sociale avec laquelle s’identifier. La preuve en est que les États-nations demeurent en première ligne et presque esseulés lorsque surgissent des troubles hobbesiens à la paix civile : attaques terroristes, accidents industriels, pandémies… Lorsque point la menace, lorsqu’une société est en danger de mort, elle se recroqueville instinctivement sur ses formes de vie commune les plus spontanées. Ce commencement d’État européen est d’ailleurs avant tout un « État de concurrence », mais si peu un État démocratique et encore moins un État social. Le mandat de la BCE est centré sur la stabilité des prix (la cour de Karlsruhe l’a suffisamment rappelé), la CJUE est gardienne du marché unique et des libertés économiques, et ses jurisprudences, malgré une salutaire inflexion, ont parfois encouragé la moins-disance et le désarmement de l’État social (je pense aux arrêts Viking et Laval de 2007), les priorités « politiques » de la Commission restent enfin, en raison des traités, le libre-échange et la concurrence libre et non faussée.
Je ne peux ici que répéter ce que j’ai essayé de faire dans mon livre. Pour que l’Union européenne soit autre chose qu’un système inachevé conjuguant tant bien que mal les intérêts des nations qui la composent et des moignons d’État « fédéral », il faudrait un véritable espace de discussion et de résolution des problèmes collectifs transnational, pas cantonné à quelques cercles autoréférentiels (la fameuse « bulle ») ainsi qu’un début d’institutionnalisation du social (sous la forme d’un État social fédéral). C’est-à-dire la consolidation d’un espace de socialisation à l’échelle du marché unique.
C’est en cela que l’ordre politique, sans subordonner les autres (auquel cas il devient un totalitarisme) a une forme d’éminence, qui nous permet de mieux appréhender à l’issue de cette réflexion ce qu’est une forme de vie commune : il est celui qui rassemble les différents aspects de l’expérience collective, sociale, économique, culturelle. L’erreur des néolibéraux a été de penser qu’un artefact juridique et institutionnel suffirait à faire converger sur le même espace et au même rythme les morphologies sociales ainsi que les cultures particulières. Or l’espace n’est pas euclidien – car encore une fois, il est une projection de la longue durée – et les formes politiques ne sont pas des jeux de légo qui se font et se défont à l’envi.
S’il est possible de proposer rapidement de nouveaux assemblages économiques ou juridiques (grâce à l’action législative et réglementaire de la puissance publique), le temps des sociétés, des cultures et de la politique est un temps plus long. La construction européenne dans sa version néolibérale n’a fait qu’organiser la collision et la divergence entre ces différents ordres de l’agir collectif, au lieu d’organiser leur convergence patiente et leur mise en harmonie. Les moments de crise européenne comme la crise des dettes souveraines montrent en effet à quel point cette construction juridique est pour le moment une réalité fort peu tangible. Il y a eu dix-huit débats nationaux sur l’avenir de l’Europe et de la zone euro au plus fort de la crise, alors que le problème était d’emblée supranational, et les positions campées par les chefs d’État au Conseil européen sont souvent le reflet des perceptions et du débat dans les sociétés politiques qu’ils représentent, et si peu celles de l’intérêt général européen. Le récent arrêt de la cour constitutionnelle fédérale de Karlsruhe confirme combien la politique monétaire, pourtant la plus fédérale de toutes, est vue au prisme des intérêts fondamentaux de chaque nation (la fameuse « identité constitutionnelle ») et non pas d’un intérêt général européen.
Or, et c’est là un des points les plus importants, s’il y existe bien du « social », du « culturel », de l’« économique » à toutes les échelles, du local au global, ce n’est pas le cas du politique. Au niveau infranational et jusque dans les relations interpersonnelles, il y a par exemple du social, Foucault l’avait suffisamment vu, même s’il a considéré à tort que ce social était politiquement substantiel, alors que l’existence de simples rapports de force ne suffit pas à qualifier un ordre politique [18]. L’erreur de la microphysique du pouvoir est d’avoir posé une équivalence : rapports de force = agir politique. La politique ne se réduit pas à des rapports (sociaux) de force mais suppose une organisation en vue de l’agir humain et un souci d’intégration (et non de subordination) des autres ordres de l’agir. Au niveau supranational, il existe également des sociabilités transnationales mais celles-ci sont trop souvent réservées à une élite du pouvoir, de l’argent ou de l’esprit. Il manque en tout cas cette congruence entre une armature institutionnelle, une morphologie sociale, une culture, et un territoire qui sert à organiser la vie commune. Par exemple, s’il existe bel et bien un marché européen des capitaux ou un marché européen de marchandises, il existe vingt-sept marchés du travail, chacun reposant sur ses propres règles, relevant de la culture nationale tout autant que des histoires propres à chaque État social.
Qu’il faille compliquer les niveaux de puissance publique est une évidence que je ne songerai pas à disputer à Lacroix et Pranchère, c’est pourquoi je me range à la double démocratie proposée par Leron et Aglietta [19] : il est possible de compléter la puissance publique nationale par une puissance publique européenne, qui plus est de lui donner un fonctionnement démocratique en substituant au classique No taxation without representation un plus audacieux No representation without taxation. L’idée de Thomas Piketty et ses collègues, dans un manifeste pour la « Démocratisation de l’Europe » de partager un impôt entre le niveau national et un niveau supranational et de mettre sur pied une chambre parlementaire (composée en partie de députés des parlements nationaux) est également prometteuse : l’Europe se qualifie provisoirement comme une puissance publique capable de coproduire et de cofinancer des biens publics et comme une démocratie puisque des parlementaires votent des ressources et leur emploi. Elle renonce cependant temporairement à être une forme de vie commune puisque le principe d’auto-législation et de liaison politique fondamental demeure dans la nation, qui restera et pour longtemps le moyeu essentiel de cet assemblage de niveaux divers de puissance publique.
Footnotes
[1] Thomas Hobbes, De Cive. Le citoyen ou les fondements de la politique (1642), trad. Fr. S Corbière, Amsterdam, Blaeu, 1649.
[2] Jean Baechler, Nature et histoire, PUF, 2000 ; Alexandre Escudier « Pour un républicanisme soutenable, Sortir du cycle néo-libéral », Le Débat 2020/2, n°209, Gallimard, 2020.
[3] Sur ce sujet voir Giorgio Agamben, La guerre civile, Pour une théorie politique de la stasis, éditions Points, avril 2015.
[4] Marcel Mauss, La nation, PUF, 2013 (rééd.)
[5] Ninon Grangé, Oublier la guerre civile ? Stasis, chronique d’une disparition, Vrin, éd. de l’EHESS, 2015.
[6] Enzo Traverso, A feu et à sang : de la guerre civile européenne. 1914-1945. Paul Valéry : « Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles », in La crise de l’esprit, 1919.
[7] Fernand Braudel, Civilisation matérielle, économie et capitalisme, Le temps du monde (tome III), Armand Colin, 1997.
[8] Sur ce sujet regarder les développements très intéressants de Quinn Slobodian, Globalists, Harvard University Press, 2018.
[9] Jean Baechler, Guerre, Histoire et Société. Eléments de polémologie (Paris, Hermann, 2019).
[10] Jean Baechler, Les morphologies sociales, Hermann, 2013, p. 59 : « Comme la cité, la nation identifie politie et morphologie. »
[11] Lorenzo Kristov, Peter Lindert et Robert McClelland, 1992, « Pressure Groups and Redistribution », Journal of Public Economics 48, 2 (June) : 135-163. Voir également Assar Lindbeck, 1997, « The Swedish Experiment », Journal of Economic Literature 35, 3 (September), 12273-1319.
[12] Alain Supiot, « Grandeur et misère de l’État social », Leçon inaugurale au Collège de France, 29 novembre 2012.
[13] Fustel de Coulanges, « L’Alsace est-elle française ou allemande ? », 27 octobre 1870.
[14] Milton Friedman, Neoliberalism and Its Prospects, 1951.
[15] Michel Foucault, Sécurité, Territoire, Population, Cours au collège de France (1978), Gallimard, coll. Hautes Études, 2004.
[16] Wolfgang Streeck, Du temps acheté, La crise sans cesse ajournée du capitalisme démocratique, Gallimard, coll. NRF Essais, 2014.
[17] Shahin Vallée, « Macro Note: European Council kicks the can to the Commission and the ECB. A tale of Atlas and Heracles », 2020.
[18] Michel Foucault, Vie des hommes infâmes, 1977.
[19] Michel Aglietta et Nicolas Leron, La Double Démocratie, Seuil, 2017.
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