Chaque lundi avant le 3 novembre, je publie une tribune dans l’Humanité sur l’élection présidentielle aux États-Unis. Chaque tribune sera republiée ici le mercredi. Voici le quatrième article, publié le 26 octobre.

 

Le jour de l’ouverture du vote dans l’État de Géorgie, le 12 octobre, on a vu presque immédiatement sur les réseaux sociaux des témoignages de personnes qui ont dû patienter jusqu’à douze heures pour voter. Ce n’est pas un accident. Dans les grandes villes comme Atlanta – largement Afro-américaine – le gouvernement d’état républicain a veillé à ce qu’il n’y ait pas assez de lieux de vote, là où dans les comtés ruraux (c’est-à-dire blancs), ils abondaient. La réduction du nombre bureaux de votes dans les métropoles démocrates est emblématique de la stratégie du Parti républicain en 2020. De telles manipulations, dans un État où les scrutins présidentiel et sénatoriaux sont aujourd’hui compétitifs, pourraient bien compromettre la victoire des démocrates.

 

La Géorgie est représentative de la démocratie bafouée des États-Unis contemporains. Après des années de croissance démographique rapide dans la ville d’Atlanta, l’État est aujourd’hui de plus en plus peuplé de jeunes et de minorités ethniques. En d’autres termes, il est en train de devenir un « État bleu », c’est-à-dire qui vote démocrate. Mais bien avant 2020, les Républicains ont maintenu sa couleur « rouge » par la magouille électorale et politique. Le gouverneur actuel, Brian Kemp, a battu en 2018 la démocrate modérée Stacy Abrams grâce à la suppression de 1,5 millions d’électeurs du registre électoral officiel : suppression dont il était lui-même était responsable, en tant que Secrétaire d’État chargé d’organiser les élections étatiques.

 

Kemp n’est pas un cas isolé. Au sein du parti républicain géorgien, on trouve tous les visages de l’extrême-droite américaine. En la personne de Kelly Loeffler – nommée par Kemp cette année après la démission de son prédécesseur – nous trouvons une ploutocrate parfaite : membre la plus riche d’un Sénat qui ne manque pas de millionnaires, et femme du PDG du New York Stock Exchange. En janvier, quelques jours après avoir pris ses fonctions au Senat, Loeffler participe à un briefing secret sur la Covid-19 à la suite duquel elle vend des millions de dollars d’actions. Aujourd’hui, pourtant, Loeffler s’allie avec la « populiste » Marjorie Taylor Greene, candidate au Congrès connue pour son adhésion à la théorie conspirationniste QAnon : théorie, imprégnée de christianisme apocalyptique aux relents antisémites, selon laquelle les démocrates seraient des pédophiles qui boivent le sang des enfants – et Trump, leur sauveur.

 

Et contre tout ça ? La réponse démocrate est non moins représentative du climat politique actuel. La stratégie du candidat démocrate au Sénat, Jon Ossoff, est de gagner le soutien des blancs des banlieues affluentes : conservateurs, mais anti-Trump. Les Démocrates, en Géorgie comme partout, cherchent avant tout à rallier l’élite de centre-gauche et de centre-droite. C’est une stratégie qui pourrait bien s’avérer payante contre l’extrême-droite trumpiste en 2020, à condition que des millions de gens ordinaires acceptent de patienter des heures pour voter…

 

Photo credit: Video still by @newsworthy17 via Twitter (fair use)

 

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