Revue de Presse : 20 décembre
En France, encore une fois, l’on débat de la laïcité. Comme Patrick Weil nous rappelle, la laïcité c’est d’abord du droit, qui protège la liberté de conscience de chacun.e, et garantie la neutralité religieuse de l’État. Pourtant, dans une chronique du Monde, Thomas Piketty observe que sur le plan fiscal, cette neutralité juridique n’est pas toujours respecté. Non seulement les établissements qui ont été bâtis avant 1905 – presque tous des églises catholiques – peuvent-ils bénéficier des subventions de l’État. Mais aussi, ceux qui donnent de l’argent à de tels établissements obtiennent des réductions d’impôt. Par conséquent, l’État subventionne les dons par des croyants imposables, ce qui favorise des établissements fréquentés par des croyants riches (encore une fois, souvent catholiques). Pour Piketty, donc, une France laïque doit être une France qui favorise l’égalité fiscale.
Les républicains de Pennsylvanie sont parmi les législateurs d’État les plus importants qui tentent d’annuler les résultats de l’élection présidentielle américaine de 2020. Mais ils ne sont pas les premiers citoyens de la Pennsylvanie à perturber le processus démocratique. Dans un article pour Age of Revolutions, J. L. Tomlin décrit la rhétorique, la violence et les complots qu’a vu cet État au début du XVIIIe siècle, lorsque les quakers de Pennsylvanie se sont battus contre les anglicans et les immigrants pour le contrôle de l’Assemblée générale.
Vivons-nous dans une société ? C’est la question que se pose l’historien Gabriel Winant dans son analyse de l’élection américaine de 2020 dans la revue N+1. Wendy Brown a décrit dans son dernier livre comment la destruction néolibérale de la société, du social – les institutions et les lieux où les gens se retrouvent ensemble pour agir en commun, l’idée qu’il existe du commun entre les individus et les familles – a catalysé la nouvelle sensibilité nihiliste de l’extrême-droite. Mais pour Winant, la politique de 2020 est le produit des espaces sociales authentiques : que ce soit le mouvement social qu’a bâti Bernie Sanders et ses alliés ; ou les divers communautés, en ligne et « IRL » où les partisans de QAnon échangent des théories sur les pédophiles de l’État profond. La société civile n’est pas une garantie d’une démocratie en bonne santé, comme l’on pourrait croire en lisant certains chapitres de Tocqueville. Aux Etats-Unis aujourd’hui, personne ne sait quelle société est en train de se construire, ni quelle politique elle va engendrer.
Steve Lagerfeld réexamine l’histoire compliquée de l’« exceptionnalisme américain » pour la Hedgehog Review. « L’exceptionalisme » est devenu un leitmotiv des conservateurs pendant la présidence de Barack Obama, mais Lagerfeld explique que l’usage du terme remonte au XXe siècle, et tire son origine du Parti communiste américain et des éditeurs de la New Left Review. Dans les années 1980, le langage de la « ville sur une colline » de Ronald Reagan a renouvelé les éléments religieux de l’exceptionnalisme, mais l’histoire des droits naturels, de l’autonomie gouvernementale, de la Destinée manifeste et du Darwinisme social font également partie de cette généalogie. Lagerfeld note que le légendaire sociologue Seymour Martin Lipset (un trotskiste) attribua à Alexis de Tocqueville le premier usage du mot « exceptionnel » pour décrire les États-Unis.
La France est accablée du mouvement anti-vaccination le plus important du monde ; Peter Yeung l’explore dans un article pour The Daily Beast. Les anti-vaccins ne sont pas nouveaux en France, mais les réseaux sociaux, la méfiance générale envers les politiciens ainsi que le nouveau documentaire complotiste Hold-Up ont tous aggravé la situation. À cause du mouvement anti-vaccination, il est possible que la France ne puisse pas atteindre l’immunité collective et que le Covid-19 reste dans le pays pendant plusieurs années.
Les accusés des attentats contre le journal Charlie Hebdo sont condamnés le 16 décembre 2020. Antoine Mégie, Denis Salas et Virginie Sansico décrivent le procès dans un article pour AOC. Ce procès, dont les acteurs cherchèrent souvent le sens historique plus large, fut interrompu par des événements eux-mêmes historiques : de nouveaux attentats ainsi que la crise sanitaire. Le procès marque le début d’une série d’audiences d’une signification tout aussi importante.
Perry Anderson publie dans la London Review of Books le premier de trois articles sur l’Union européenne, intitulé « le Coup d’État européen ». Cette longue (19.000 mots !) recension des livres The Passage to Europe et Alarums and Excursions par Luuk van Middelaar dépeint l’Union vue par l’un de ses « intellectuels organiques ». Van Middelaar – disciple de Marcel Gauchet et la tradition philosophique française inspirée par Machiavel, formé dans une culture politique néerlandaise qui valorise le consensus entre des élites – admire la manière dont l’intégration européenne a procédé par des prises de pouvoir silencieuses. Des élites à Bruxelles, guidées par la fortune, ont réussi à élargir les responsabilités des institutions européennes, et à diminuer l’autonomie des États membres, tout en prétendant n’engager que des réformes procédurales. Dans son dernier livre, van Middelaar tente de présenter les dernières crises en Europe – de la Crimée, de la Grèce, des réfugiés, du Brexit… – comme les signes d’une nouvelle maturité de cette élite européenne. Certes, ce jugement est vain aux yeux d’Anderson, mais pourtant instructif pour comprendre le système qui a produit ces élites.
Photo Credit: brotiN biswaS, via Pexels.
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