Revue de Presse: 14 juin
De simples réformes cosmétiques concernant les méthodes et la légitimité de la police aux États-Unis ne pourront jamais faire face à l’ampleur du problème de la violence policière, selon Jocelyn Simonson. Dans un article pour la Boston Review, elle explique qu’il faudra une redistribution transformative du pouvoir entre la police et les communautés qu’elle est censée servir. Mais il ne sera pas suffisant que des technocrates développent et appliquent de nouvelles mesures pour quantifier le pouvoir. Au contraire, il faut réinventer démocratiquement ce que nous entendons par la « sécurité publique ».
Avec la resurgence du mouvement contre les violences policières aux Etats-Unis et autour du monde, les médias françaises relancent de vieux débats dans le Hexagon. Pour des écrivains tels que Caroline Fourest ou Corinne Narassiguin, il s’agit de dénoncer la notion du « privilège blanc », une « importation américaine » d’un discours identitaire qui n’a pas de sens dans le contexte français. Pour Sibeth Ndiaye, porte-parole du gouvernement de la République en Marche, au contraire, le mouvement pour George Floyd est une opportunité pour relancer le débat sur la collection des statistiques ethniques en France. L’on voit donc à quel point certains Français.es cherchent à trouver leurs reflets dans l’Amérique….
Elisa Braun décrit l’état du Ministère de l’Économie et des Finances, ainsi que du ministre Bruno le Maire, dans un article pour le journal Politico. Une véritable « machine analytique », mais aussi un amateur de la littérature, Le Maire prédit que l’état de l’économie française ne s’améliorera pas de sitôt.
Dans la revue littéraire TLS, Ira Bashkow passe en revue The Reinvention of Humanity, la nouvelle biographie de l’anthropologue Franz Boas par Charles King. Boas est célèbre pour sa théorie du relativisme culturel—l’idée que les spécialistes des sciences sociales devraient s’attendre à des différences culturelles et les respecter. Boas souffrit la discrimination en tant qu’émigré allemand et juif, et lorsque l’université Columbia suspendit ses investissements dans son département d’anthropologie, Boas se tourna vers Barnard College, où il travailla avec des écrivaines et chercheuses innovatrices comme Margaret Mead et Zora Neale Hurston. Le livre de King présente une « biographie collective » de ce cercle éclectique d’anthropologues à Barnard. Boaz et ses étudiants adoptèrent la culture de l’âge du jazz, discréditèrent le racialisme et lancèrent des études sur le terrain innovatrices qui révolutionnèrent la manière dont une génération d’Américains a pensé à la comparaison culturelle.
Peter Schjeldahl pense que les peintures d’Edward Hopper, qui représentent des scènes tristes et solitaires de la vie américaine, nous parlent, mais pas seulement parce que l’on vit dans une époque de distanciation sociale. Dans un article pour le New Yorker, Schjeldahl avance que nous devrions considérer les peintures de Hopper en tant que manifestations par excellence d’un genre d’art établi qui met en valeur la solitude. Des artistes américains depuis Ralph Waldo Emerson jusqu’à Alfred Hitchcock ont souvent interrogé le rapport entre l’individualisme patriotique et la solitude personnelle.
Dans un article pour la Virginia Quarterly Review, Maddy Crowell dresse le portrait de Vinod Jose et de son équipe de journalistes d’enquête du magazine indien Caravan. L’ascension du président Narendra Modi et la croissance du nationalisme hindou continuent de mettre en péril la presse libre indienne, mais Jose et les journalistes de Caravan refusent de cesser leurs enquêtes sur la corruption politique qui menace la plus grande démocratie du monde. Malgré une série de plaintes pour diffamation, des avertissements d’être mis sur écoute, ainsi que des menaces de violence ciblée, Caravan s’est forgé une réputation pour ses reportages approfondis à une époque où de nombreux organes de presse indiens capitulent devant Modi et ses alliés.
Pour le sociologue Bruno Karsenti, les confusions autour du « populisme » tiennent au fait qu’il s’agit de la démocratie et les dangers qu’elle produit en elle-même. L’on ne peut pas expurger la démocratie de ses démons, ni la restaurer à son état authentique. Ce que l’on peut faire, écrit Karsenti (en bon sociologue), c’est de se référer à la notion du peuple, et en s’y référant, de tenter de faire exister une certaine idée de ce peuple. Souvent, le populisme se fixe sur les institutions de l’éducation, qui sépare le peuple de ses élites. Le populisme est donc un style politique qui assume cette tache, style propre à l’époque moderne. Un programme de l’éducation commune ou nationale pourrait bien être un programme populiste. Mais la limitation majeure du style populiste est son incapacité de raisonner en termes du social.
Photo Credit: Daniel X. O’Neil, New Newspaper Stand at Michigan and Chicago Avenues, Summer 2009, via Flickr, CC BY 2.0.