De l’apocalypse à la catastrophe

10 November 2020

L’Humanité m’a demandé une chronique encore sur le résultat de l’élection du 3 novembre. Retrouvez ci-dessous l’article publié le 9 novembre dans le journal.

 

Joe Biden sera président. Les médias ont hésité à le confirmer – comme M. Biden lui-même – et Donald Trump déclare qu’il contestera les résultats de l’élection, mais le résultat est assuré. Aucun recompte ne peut produire une victoire de Trump à la dernière minute. Si Trump avait l’intention de rester au pouvoir par un coup d’État, il semble avoir oublié de le planifier. Après quatre ans d’une présidence Trump, les Américains en ont eu assez. Et malgré la confusion induite par le décompte interminable des votes, la marge en faveur de Biden est relativement convaincante.

 

Mais s’il y a de quoi célébrer à l’issue de cette campagne, il faut également souligner que cette élection a été un désastre. Les Démocrates n’ont pas réussi à gagner une majorité au Sénat (sauf au cas d’une victoire improbable au deuxième tour des élections spéciales de Géorgie qui auront lieu en janvier). Cela veut dire qu’il n’y aura pas de Green New Deal, ni de réforme sanitaire, ni d’expansion de la Cour Suprême. Il n’y aura pas même d’aide économique versée aux chômeurs ou aux locataires aux bords de la ruine financière à cause du coronavirus. De plus, le parti de Joe Biden a vu baisser sa majorité à la Chambre des représentants et dans les gouvernements des États, là où le parti de Donald Trump – parti ouvertement raciste et xénophobe – a vu augmenter l’adhésion des Afro-Américains et des Latinos. Des milliardaires ont réussi à abolir les protections au travail pour des chauffeurs d’Uber en Californie, et à bloquer la taxation progressive en Illinois.

 

Au cours des quatre années à venir, les crises sanitaire, socio-économique, écologique et démocratique ne cesseront donc de s’aggraver. Privée d’une majorité législative, Joe Biden sera obligé de gouverner par voie exécutive – comme, d’ailleurs, Obama et Trump ont dû le faire. Mais s’il veut résoudre ces crises, Biden devra faire preuve de plus de courage et de créativité que ses prédécesseurs. Le Sénat républicain de Mitch McConnell refuse de verser des aides sociales en temps de dépression économique ? Biden pourrait recourir à la Federal Reserve, la banque centrale, pour opérer un sauvetage des États, des villes, et des particuliers, sur le modèle des sauvetages des banques en 2008-2009. La Cour Suprême menace d’invalider des ordres exécutifs pour annuler des dettes, délivrer des soins médicaux, ou accueillir des migrants ? Biden pourrait tout simplement l’ignorer.

 

Gouverner à partir de 2021 sera difficile, et impliquera de lutter à chaque instant contre une droite qui ne veut que plonger le pays plus profondément dans la crise. Biden, pourtant, n’est pas particulièrement audacieux, et son premier instinct est de chercher le compromis avec des Républicains qu’il refuse de qualifier d’« ennemis ». S’il y a de l’espoir pour sa présidence, c’est parce que les militants de gauche, qui sont déjà dans la rue, n’ignorent pas que Biden n’est pas leur ami.

 

Photo credit: Gage Skidmore via Wikimedia Commons (CC BY-SA 2.0)

 

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