Juppé démissionnaire
As my colleague Jake noted yesterday, this, unlike the old French Politics site, is supposed to be a bilingual blog, but thus far it’s been dominated by us Amerloques. That will change soon, and we really ought to let our French contributors bear that burden, since they’ll do it with a lot more finesse and panache than I. But still, from time to time, I will avail myself of the opportunity to speak in my French voice.
Et une belle occasion de ne pas me taire se présente avec l’annonce de la démission d’Alain Juppé du parti qu’il a co-fondé avec Jacques Chirac. Sans aucun doute cet événement marque pas seulement la fin d’une époque mais aussi la durcification des restes–pas si beaux!–du Parti Républicain (ex-UMP).
Et pourquoi pas? Le Macronisme est à toutes fins utiles le Juppéisme. Le Juppéiste Philippe est à la tête du gouvernement, et la politique macronienne en matière d’économie, d’immigration, d’impôts, de centralisation, d’Europe, etc. est une politique qu’aurait pu signer Juppé. C’est vrai qu’en matière de défense on peut apercevoir à la rigueur un chouia d’une nuance de différence: Juppé aurait donné plus aux militaires et n’aurait pas insisté au même point sur son “chefitude.”
Mais voilà le centre-droit juppéiste instauré au pouvoir sous un drapeau de centre-gauche. En fait, il y a certains, chez Mediapart, par ex., qui voient la “source” du macronisme dans l’échec de la tendance recentrante à gauche représentée auparavant par un Michel Rocard ou un Dominique Strauss-Kahn. C’est une analyse un peu courte, je crois, qui ne considère pas suffisamment le changement d’époque ou la formation de Macron, qui n’a pas de racines dans la gauche traditionnelle et manque sans doute les instincts de ceux qui ont fait la longue marche à travers la République gaulliste et le tournant de Mai ’68 et puis de Mai ’81.
Macron serait donc un centriste décomplexé, qui est peut-être une façon de dire un homme de droite, On va voir ce que ça va donner à l’avenir, mais déjà on a vu assez pour conclure que pour certains d’entre nous, trop vieux pour oublier feu la gauche qui fut, il sera difficile de trouver un zone de confort avec ce que le nouveau président appelle “le progressisme.” Comme Tocqueville à l’égard de la démocratie, j’approuve en principe, je comprends le raisonnement, j’espère même voir la réussite, mais le coeur n’y est pas pleinement. Il y aura toujours une distance, comme la distance qui sépare aujourd’hui Alain Juppé de ses anciens camarades à droite.
4 Comments
Je suis d’accord avec tout, sauf vos applaudissements pour les soi-disant « réformes » de Macron. Il n’y a pas de telles choses. Ce ne sont pas des réformes : Celles-ci représentent les mêmes idées qui ont créé les Crashs de 2008 et l’austérité et l’inégalité économique qui menacent nos démocraties partout ! Donc, ce sont les politiques mêmes qui nous mettent dans la merde pour commencer.
Je pense que ce serait mieux si vous suivez votre cœur travaillez à la reconstruction des parties du centre gauche en France et ailleurs. Nous devrions donner aux gens de l’espoir pour l’avenir et préserver notre forme démocratique de gouvernement. En France, le cri de ralliement doit être « liberté, égalité, fraternité » et jamais que nous admettions la défaite et qu’on doive donc se réconcilier avec le droit et leur néolibéralisme. C’est faux.
Le centre gauche peut être restauré si nous sommes prêts à défendre nos croyances. Notre premier choix devrait être d’embrasser ce qui est bon. Ce n’est que si cela n’est pas possible que nous devrions envisager d’accepter le moindre des deux maux. Rappelez-vous, le moindre mal est néanmoins mauvais. Laissez-nous construire une meilleure société qui spot véritablement juste.
I like to read you….in english!
Olivier
For the non-francophones, Google’s autotranslate function is an imperfect, but useful tool. I can say with certainty that I understood nearly everything Art stated in, I imagine, impeccable french!
S’il y a en France “trois droites” et sept cent trois gauches, nous avons au strict minimum au moins deux centres.
Le “populaire”, rural, plus proche des frontières que de Paris, catholique, le parti des curés de campagne, de l’Action catholique des années 20 à 50, du “bas clergé” de 1789. Toujours prêt à soutenir les pauvres, sans peur du lumpen-proletariat, toujours inquiet pourtant des révolutions, des violences, des dictatures. Ce centre avait presque disparu dans la laïcisation des années 70, et la radicalisation de l’opposition entre le “monde libre” et les dictatures du “socialisme réel”. Il s’était noyé dans la droite. François Bayrou a tenté de le ressusciter, en y agrégeant les nombreux “déçus du socialisme”, le nouveau “clergé” du monde laïc : enseignants, artistes, travailleurs indépendantes, pionniers de l’internet. La coalition n’a pas pris. Jean Lassalle en représente aujourd’hui, je crois, la composante la plus “outsider”, l’exigence la plus formelle que les “systèmes” se mettent au service des personnes, de “ceux qui aiment tellement leur territoire qu’ils ont choisi d’y vivre”.
Le “marais” ou parti “opportuniste”, ou auparavant les “girondins”, parti bourgeois, demandeur de continuité dans l’environnement des affaires, inquiet lui aussi des tensions politiques, des oppositions et des “hommes forts” aux impulsions destructrices. Parti aussi bien représenté dans les grandes villes de province qu’à Paris. Lieu de rencontre entre milieux d’affaires de différentes origines religieuses ou ethniques. Libéral dans le discours, libéral quant aux moeurs, étatique en matière économique, car après tout, tous les acteurs en France sont demandeurs d’un Etat omniprésent. Demandeur de consensus entre gens raisonnables. Capable de gérer des villes et des régions d’une main bienveillante et paternaliste. Valéry Giscard d’Estaing et Edouard Balladur, Jean-Pierre Raffarin, Alain Juppé de retour du Canada, ont bien représenté ce courant.
Le point d’accord entre les deux est étroit – la croyance en “l’Europe”, espace de régulation économique stable qui échapperait aux à-coups des alternances politiques nationales. Le mantra de la “décentralisation” aussi, une décentralisation purement gestionnaire, sans reconnaissance d’identités locales dans le cas du centre d’affaires. Ou alors, des identités habilement camouflées quand on s’adresse à Paris (l’exemple alsacien, avec Philippe Richert acceptant même de fondre l’Alsace dans un “Grand Est” artificiel).
Emmanuel Macron me semble retrouver pour l’essentiel les soutiens, les choix et les mots de cette seconde composante du centre français.